Portrait

Quel type de créations fabriquez-vous ?

Deux passions m’animent : la reliure et la céramique. Je passe de l’une à l’autre toujours avec le même plaisir, celui de jouer avec les formes, les couleurs, les matières, dans la sérénité de mon petit atelier de Haute Provence.

Quel est votre parcours dans les grandes lignes ? Comment avez-vous décidé de vous lancer et de créer votre marque ?

Je suis issue d’une génération de couturières : ma mère habillait ses cinq enfants d’une main de maître, et ma grand-mère s’évertuait à vouloir nous apprendre tricot, crochet, couture, broderie…. Je n’ai pas tout de suite compris l’impact que cela aurait sur ma vie. Je m’aperçois, aujourd’hui, que ce désir de créer, de fabriquer m’a toujours accompagné. Ma première reliure remonte à l’âge de 10 ans, j’ai réalisé la deuxième à 50 ans.


Entre temps, je n’ai cessé de chercher ce qui m’animait : de la restauration à la compagnie aérienne, du contrôle de gestion à la régie de camping, en passant par l’Ecole de Commerce de Grenoble. J’ai vagabondé en quête de sérénité. Jusqu’à un bilan de compétence dont le résultat m’a surprise, la reliure d’art apparaissait comme LE METIER qui me correspondait le plus. Je n’en ai pas tenu compte, à cette époque la céramique remplissait tout mon temps libre, toutes mes pensées. Je fabriquais des perles en faïence et surtout j’étais émerveillée par la magie de l’émaillage et la recherche des couleurs. Puis un jour, par hasard j’ai découvert la reliure copte, j’ai été complètement subjuguée par cette technique de reliure qui laisse apparaître les coutures et permet de jouer avec les couleurs et les matières. J’ai voulu essayer, comprendre. J’ai commencé à toucher le papier et ce premier contact a été déterminant. J’ai très vite su que j’allais y consacrer tout mon temps. Ouvrir ma boutique a été une suite logique, j’ai quitté mon travail et me suis lancée à mon compte en 2013. Aujourd’hui, dans mon petit atelier je crée, des petits carnets colorés, douillets, des grands des petits des carrés, je ne m’arrête jamais…

Où trouvez-vous l’inspiration ?

Je suis en perpétuelle recherche de nouveaux papiers et de nouvelles matières, essentiellement sur internet, ensuite mon passé de voyageuse nourrit mon imaginaire.

Décrivez-nous votre atelier ou espace de création ?

Mon atelier est une vieille caravane des années 70 qui, peu à peu, a été envahie  de cotons, rubans, chutes de cuir, cartons et bien sur d’un nombre incalculable de feuilles de papier… Très mal isolée, longue à chauffer, la liste des inconvénients est longue mais malgré tout, tous les matins quand j’ouvre la porte en bois consolidée des dizaines de fois, un bien être m’envahit… tout est là, l’aboutissement d’un rêve, que j’entretiens farouchement.

Quels sont vos outils indispensables pour laisser libre court à votre créativité ?

Je suis perdue si je n’ai pas un scalpel, des ciseaux, une pince à percer, un cutter, un plioir, un marteau (pour poser les rivets) et bien sur diverses règles et équerres, mon massicot et j’oublie mes aiguilles, si précieuses… Pour la fabrication des perles en céramique, le matériel est plus volumineux entre le four, les pains de terre, les plaques d’enfournement et j’en passe. Petit à petit j’ai colonisé le garage.

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Pourquoi avoir choisi de développer votre créativité sur cette matière ?

J’ai choisi de revisiter la reliure copte qui laisse une grande liberté pour jouer avec la couleur des cotons, j’y ai ajouté des charnières cuir. Je cherche avant tout à créer des carnets de qualité, sobres et pratiques qui donnent à chacun l’envie d’écrire, des lettres, des mots, des phrases.… L’argile est ma deuxième matière de prédilection, mais j’aime aussi le cuir, le tissu, la laine.

Quelles sont les techniques à acquérir pour travailler cette matière ? Quelles en sont ses spécificités ?
En ce qui concerne la céramique, la recherche de couleurs est un travail de longue haleine mais complètement extraordinaire. Pour créer les couleurs, je travaille le cobalt, le cuivre, le fer, le manganèse et n’achète pratiquement aucun émail déjà fait. Autodidacte j’ai connu des déboires de four, des perles qui se collent, de l’émail qui fait des bulles, j’ai osé des mélanges heureux ou malheureux mais petit à petit, mélanges après mélanges, j’ai stabilisé une trentaine de couleurs auxquelles j’ai attribué des noms qui me font rêver : mon turquoise se nomme Bora Bora, le bleu profond Mer de Chine, le vert Iguazu, le jaune sable Masaï Mara. Chacun correspond à une formule, à un mélange subtil. Quel moment de bonheur lorsque l’on ouvre son four et que les perles encore chaudes éclatent des couleurs que l’on a créées !

Sur quels supports travaillez-vous ? Êtes-vous plutôt puriste ou généraliste ?

Je me sens plutôt «fantaisiste» et n’ai aucun à priori sur la façon d’utiliser telle ou telle matière. J’essaie de travailler à ma façon et si je n’arrive pas à mes fins je consulte des tutoriels en essayant de ne pas trop me laisser enfermer par la technique. En reliure comme en couture, j’aime que tout tombe à la perfection, que rien ne dépasse. Je dois parfois lutter contre ce côté trop perfectionniste, qui au moindre détail insatisfaisant me souffle de reprendre ou de recommencer un ouvrage. Je connais la moindre imperfection de chacune de mes créations. J’encourage tout le monde à chercher son chemin. La vie permet maintes expériences qui sont autant de petits pas vers la réalisation de soi. J’ai l’impression d’avoir choisi, mais ce n’est peut-être que l’aboutissement d’un héritage de savoir-faire de couturières, que j’ai adapté à ma façon pour devenir… « couturière de papier »…